Une contribution de Safia Benaouda(*) – Depuis plus de sept décennies, les Etats-Unis imposent au Proche-Orient un ordre politique et économique fondé sur la domination et la dépendance. Derrière le discours officiel de la «démocratie» et de la «stabilité régionale» se cache une logique néocoloniale implacable où les intérêts stratégiques, énergétiques et militaires de Washington priment sur le droit international et la souveraineté des peuples.
L’alliance entre les Etats-Unis et Israël constitue le pilier central de ce système. Malgré des dizaines de résolutions de l’ONU condamnant l’occupation des territoires palestiniens, la colonisation continue et les violations répétées du droit humanitaire, Tel-Aviv agit dans une quasi-impunité. Cette impunité s’explique par le soutien inconditionnel de Washington, qui fournit à Israël une aide militaire et financière colossale, tout en bloquant systématiquement toute sanction internationale.
Les grandes entreprises américaines de l’armement profitent largement de ce partenariat : chaque escalade militaire se traduit par des contrats d’armes lucratifs, non seulement avec Israël, mais aussi avec les monarchies arabes inquiètes de sa puissance. Ainsi, les guerres et les tensions nourrissent un commerce de la mort dont le principal bénéficiaire reste le complexe militaro-industriel américain.
Parallèlement, les multinationales occidentales exploitent les ressources énergétiques du Moyen-Orient, maintenant une dépendance économique fondée sur les pétrodollars, pilier invisible de la puissance financière des Etats-Unis.
La bande de Gaza illustre tragiquement les conséquences de cette politique. Lors des offensives israéliennes les plus récentes, Washington a fourni à son allié une assistance militaire, logistique et diplomatique totale. Résultat : des dizaines de milliers de civils palestiniens, parmi eux des femmes, des enfants et des vieillards, ont été tués ou mutilés. Les infrastructures vitales – hôpitaux, écoles, réseaux d’eau – ont été détruites, plongeant le territoire dans une crise humanitaire sans précédent.
Sous couvert de «lutte contre le terrorisme», le gouvernement criminel de Benyamin Netanyahou a pu, avec l’aval tacite de la Maison-Blanche, réduire Gaza à l’état de ruines. Pourtant, aucune voix occidentale d’envergure n’a réclamé de sanctions. Les mêmes capitales qui dénoncent la Russie pour ses actions en Ukraine ferment les yeux sur les crimes commis contre les Palestiniens. Ce silence sélectif mine la crédibilité morale de l’Occident et dévoile la nature politique du double standard américain.
Sous l’administration Trump, les Etats-Unis ont renforcé leur soutien à Israël tout en prétendant jouer les médiateurs. Le transfert de l’ambassade américaine à El-Qods, en violation du droit international, a été présenté comme un geste de «réalisme politique». Dans le même temps, Trump a proposé aux pays arabes de financer la reconstruction de Gaza, sans exiger d’Israël la moindre responsabilité ni concession politique.
Selon cette logique, ce serait les peuples arabes – victimes collatérales des bombardements – qui devraient réparer les destructions causées par l’armée israélienne. Washington, se posant en prétendu arbitre impartial, se garde bien d’évoquer la question centrale : le droit des Palestiniens à un Etat souverain et viable.
En réalité, la politique américaine au Proche-Orient vise à maintenir la région dans un état de dépendance et de fragmentation. Les monarchies du Golfe, l’Egypte ou encore la Jordanie se voient contraintes d’aligner leur diplomatie sur celle de Washington, sous peine d’isolement économique ou militaire. L’Iran, la Syrie, la Libye ou encore le Yémen servent de terrains d’expérimentation à cette stratégie d’endiguement et de déstabilisation.
Sous couvert de défendre la «démocratie» et la «liberté», les Etats-Unis et Israël dictent les règles du jeu, redessinant les frontières politiques, selon leurs intérêts. Ce néocolonialisme moderne s’appuie sur des moyens économiques, médiatiques et militaires, mais son essence reste la même : contrôler les ressources et neutraliser toute puissance régionale indépendante.
Face à cette hégémonie, de nombreux pays du Sud Global, au premier rang desquels l’Algérie, appellent à une refondation de l’ordre international. La multipolarité, portée notamment par les BRICS, représente une alternative à la domination occidentale. Elle repose sur la coopération équitable, le respect de la souveraineté et la sécurité collective.
Tant que Washington continuera de protéger Israël au mépris du droit international et de la dignité des peuples arabes, la paix au Proche-Orient restera un mirage. La véritable stabilité ne viendra pas des armes, ni des alliances imposées mais d’un rééquilibrage du monde où chaque nation, grande ou petite, aura enfin voix au chapitre.
S.-A. B.
(*) Universitaire (Montréal)