
Augmentation salariale, impôt sur la fortune, nouvelles mesures fiscales pour renflouer les caisses sociales… Déposé à l’Assemblée des représentants du peuple le 15 octobre, le projet de loi de finances ouvre un large débat entre partisans d’un budget à vocation sociale et voix critiques qui y voient avant tout un exercice comptable.
La Presse — Déposé à l’Assemblée des représentants du peuple, mercredi 15 octobre, le PLF 2026 déchaîne déjà les débats. Entre ceux qui saluent des mesures sociales courageuses et ceux qui dénoncent « une simple feuille comptable », les avis divergent. De toute façon, la lecture d’un projet de loi de finances suscite toujours des critiques. Les discussions au sein des deux chambres parlementaires devraient se poursuivre dans les prochaines semaines, avant d’aboutir à une version finale qui devra être adoptée avant le 10 décembre de l’année en cours.
Dans son préambule, le PLF 2026 affirme que l’objectif est de consolider le rôle social de l’État, notamment à travers la réduction du chômage et le renforcement de la paix sociale. Des augmentations salariales dans les secteurs public et privé, ainsi que des pensions de retraite sont prévues pour les années 2026, 2027 et 2028.
Selon le document, l’État poursuivra ses interventions dans les secteurs prioritaires, notamment la santé, l’habitat, le transport et l’éducation. L’amélioration des systèmes de sécurité sociale et l’instauration d’un impôt sur la fortune, conformément au principe de la progressivité de l’impôt, figurent également parmi les axes majeurs.
En effet, le PLF 2026 prévoit des recettes de l’Etat à hauteur de 52,56 milliards de dinars contre des dépenses fixées à 63,375 milliards, établissant le déficit budgétaire à 11,015 milliards de dinars. Les ressources de financement s’élèvent à 27,064 milliards de dinars, dont 6,808 milliards provenant de financements extérieurs, 19,056 milliards de financements intérieurs et 1,2 milliard de ressources de trésorerie à court terme. Le texte autorise, par ailleurs, la Banque centrale à accorder des facilités à la Trésorerie générale à hauteur de 11 milliards de dinars.
Mesures sociales
Le projet inclut plusieurs mesures destinées à encourager l’emploi et à consolider la paix sociale. L’article 13 prévoit la prise en charge par l’État de la cotisation patronale de sécurité sociale à raison de 100 % la première année, 80 % la deuxième, 60 % la troisième, 40 % la quatrième et 20 % la cinquième année.
Le texte prévoit, également, des augmentations des salaires dans les secteurs public et privé et des pensions de retraite, au titre des années 2026, 2027 et 2028. Elles seront fixées par décret et visent, selon le document, à renforcer le pouvoir d’achat des citoyens. Par ailleurs, le champ d’intervention du Fonds national pour l’emploi sera élargi pour inclure les chômeurs de longue durée.
Le nombre de fonctionnaires dans l’administration et les entreprises publiques devrait, lui aussi, augmenter par rapport au nombre autorisé par la loi de finances 2025 pour atteindre 687.000 agents.
Dans le secteur de la santé, le PLF prévoit l’exonération de TVA sur les achats locaux d’équipements médicaux nécessaires au contrôle des médicaments par l’Agence nationale des médicaments et des produits de la santé. En outre, il propose la création d’un fonds pour les personnes en situation de handicap, financé via le prélèvement sur les indemnités remboursées par les compagnies d’assurance dans le cadre des accidents de la route ou du travail à hauteur de 1 %.
Mesures en faveur des entreprises publiques
Le PLF 2026 accorde également des avantages fiscaux aux entreprises publiques. La Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) bénéficierait ainsi d’une exonération des droits de douane et de TVA sur ses achats, importés ou locaux. En vertu de l’article 42, le ministre des Finances serait autorisé à renoncer aux créances de l’État détenues par l’OCT, incluant les droits de douane et les pénalités de retard liés aux opérations d’importation datant d’avant le 1er janvier 2025. En outre, les dettes fiscales de la Société tunisienne du sucre, estimées à plus de 2,757 milliards de dinars, devraient également être annulées.
Principales mesures fiscales
L’article 50 introduit en effet la progressivité pour l’impôt sur la fortune dont le taux sera de 0,5 % pour les patrimoines compris entre 3 et 5 millions de dinars, et de 1 % pour les patrimoines supérieurs à 5 millions. Cet impôt s’appliquera, à partir du 1er janvier 2026, aux biens immobiliers, hors résidence principale, fonds de commerce exploité et biens à usage professionnel ainsi qu’aux biens meubles, y compris les dépôts bancaires et capitaux financiers.
Il concernera les personnes physiques, y compris les biens détenus au nom de leurs enfants mineurs. Le projet prévoit également de renforcer la digitalisation de l’administration fiscale, notamment via l’élargissement du champ d’utilisation de la facture électronique. Le PLF 2026 comprend, par ailleurs, des mesures fiscales qui visent à apporter des financements supplémentaires aux caisses sociales.
Ainsi, il prévoit d’augmenter les droits d’enregistrement des biens immobiliers et des timbres fiscaux, d’instaurer un montant additionnel de 100 millimes sur chaque opération de recharge téléphonique outre une contribution de 4 % des bénéfices imposables des banques, des sociétés financières, d’assurances et des opérateurs télécoms, avec un minimum fixé à 10.000 dinars.
Pour accélérer la transition énergétique
Selon le document, l’article 46 prévoit que l’État prendra en charge 3 % de l’écart entre le TMM et le taux d’intérêt appliqué aux prêts destinés aux investissements dans l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables, ainsi qu’aux crédits octroyés par la BTS pour l’acquisition de voitures électriques par les taxis et auto-écoles.
Le PLF propose aussi une réduction des droits de douane à 15 % pour les panneaux photovoltaïques et à 7 % pour les intrants nécessaires à la fabrication de batteries lithium. Les véhicules hybrides et électriques bénéficieront, quant à eux, d’avantages fiscaux, dont notamment l’exonération du droit de consommation.
Premières réactions
Comme à l’accoutumée, la publication du PLF a déclenché de vifs débats. Dans une déclaration médiatique, l’économiste Aram Belhadj a considéré que ce texte ne diffère pas fondamentalement des précédents, qui n’ont ni accéléré la croissance ni amélioré le pouvoir d’achat. Il a critiqué l’instauration de nouveaux droits de consommation et le recours au financement par la BCT, appelant les députés à apporter les modifications nécessaires à ce projet de loi.
De son côté, Issam Chouchen, député et vice-président de la commission des finances à l’ARP, a estimé qu’avec un déficit budgétaire en hausse de 12 %, des recettes fiscales en progression de 5 %, mais sans mesures tangibles au bénéfice direct des citoyens, ce PLF n’apporte pas les réponses attendues.