Par Houari A. – Au cœur d’Alger, un chantier va être lancé incessamment attirant aussi bien la curiosité des habitants que l’intérêt des spécialistes du patrimoine : la cathédrale du Sacré-Cœur, l’un des édifices religieux les plus singuliers de la capitale, va faire l’objet d’une vaste opération de réhabilitation. Longtemps quelque peu délaissée, cette église à l’architecture audacieuse s’apprête à retrouver son éclat, dans un projet qui s’inscrit également dans le plan plus large de réaménagement du tissu urbain et de réhabilitation du vieux bâti.
Contrairement à la très célèbre basilique Notre-Dame d’Afrique, qui domine la baie d’Alger depuis les hauteurs de Bab El-Oued et constitue une étape incontournable pour les touristes, le Sacré-Cœur demeure paradoxalement peu connu du grand public. Pourtant, les architectes, historiens et passionnés d’architecture contemporaine le considèrent comme l’un des édifices religieux les plus marquants du XXe siècle en Méditerranée.
Edifiée dans les années 1950, la cathédrale du Sacré-Cœur témoigne de l’effervescence moderniste qui marquait alors l’architecture. Conçue par les architectes Paul Herbé et Jean Le Couteur, elle s’inscrit dans une esthétique résolument avant-gardiste. Son volume massif, ses lignes arrondies et sa silhouette imposante rappellent la structure d’une centrale nucléaire, une comparaison souvent évoquée par les visiteurs et devenue au fil du temps une sorte de signature visuelle. L’intérieur, lui, surprend par sa luminosité, son dépouillement volontaire et son jeu de matériaux bruts, qui offrent un contraste saisissant avec les églises traditionnelles.
Depuis l’indépendance, l’édifice a conservé sa fonction cultuelle, mais a progressivement souffert d’un certain manque d’entretien. Des infiltrations, l’usure des façades et la dégradation de certains éléments structurels menaçaient son intégrité. La décision de lancer une restauration complète marque ainsi un tournant important dans la préservation du patrimoine religieux et architectural algérien.
Le chantier en cours va mobiliser architectes, ingénieurs et artisans spécialisés, chargés de redonner à la cathédrale son allure d’origine tout en renforçant sa solidité. Les travaux vont porter notamment sur la rénovation de l’enveloppe extérieure, la reprise des bétons, la modernisation du système d’éclairage et la restauration des vitraux. L’objectif affiché est double : sauvegarder un monument emblématique et offrir aux fidèles comme aux visiteurs un espace restauré dans les règles de l’art.
Cette réhabilitation s’inscrit également dans un contexte particulier. La visite souhaitée par le pape Léon XIV en Algérie. Même si le programme du souverain pontife n’a pas encore été officialisé dans ses moindres détails, plusieurs sources au sein de l’Eglise indiquent que le Sacré-Cœur pourrait figurer parmi les étapes majeures de son séjour. Cette perspective a sans doute accéléré le calendrier des travaux et renforcé leur dimension symbolique.
En redonnant vie à la cathédrale du Sacré-Cœur, l’Algérie réaffirme son attachement à un patrimoine pluriel, témoin de différentes strates de son histoire. Et à l’heure où Alger revendique une place parmi les grandes capitales méditerranéennes du tourisme culturel, la renaissance de ce chef-d’œuvre moderniste apparaît comme un signal fort, à la fois patrimonial, spirituel et diplomatique.
H. A.