Après les propos du Président du Faso, le Capitaine Ibrahim Traoré, en 2022, évoquant le fait que certains Burkinabè en étaient réduits à se nourrir de feuilles pour survivre, Abdourahim Tiraongo a pris une décision radicale : abandonner ses études d’ingénieur pour se consacrer à l’agriculture. Malgré les inquiétudes et les critiques dans son entourage, le jeune VDP agricole, originaire de la commune de Korsimoro, dans la province du Sanmatenga (région des Koulsé), reste convaincu qu’il est possible d’atteindre l’autosuffisance alimentaire par le travail de la terre.
À Noungou, un canton situé à une trentaine de kilomètres de Korsimoro, de l’autre côté du fleuve Nakambé, Abdourahim Tiraongo mène chaque jour le combat de la production agricole.
Sous un soleil de près de 36°C, on le retrouve dans son champ de gombo, entouré d’autres jeunes partageant la même détermination : contribuer à la souveraineté alimentaire du Burkina Faso.
Ces jeunes, que l’on appelle communément les VDP agricoles, ne sont pas de simples cultivateurs. Ils font partie des 2 000 entrepreneurs agricoles de la première cohorte de l’Initiative présidentielle pour la production agricole et l’autosuffisance alimentaire (IP-P3A).
Cette initiative, l’une des six portées par le Bureau national des grands projets (BN-GPB), incarne pour eux un véritable appel à transformer la terre en espoir et à écrire un nouveau chapitre de l’agriculture burkinabè.
Un entrepreneur et patriote dans l’âme
Avant de poser ses mains sur la terre, Abdourahim Tiraongo avait déjà goûté à l’entrepreneuriat. En 2019, il lance une petite activité d’élevage de volaille avec un capital de 17 500 F CFA, gagné grâce à la vente ambulante d’accessoires de téléphones et à son travail de plongeur à Ouagadougou.
En janvier 2022, son aîné lui propose de poursuivre ses études supérieures à l’extérieur de l’Afrique. Passeport en main, procédure de visa en cours, l’avenir semblait tracé ailleurs. Mais en septembre 2022, un vent de refondation souffle sur le Burkina Faso avec l’arrivée du Capitaine Ibrahim Traoré à la tête du pays. Abdourahim revoit alors ses priorités.
« Au début, j’étais très content de l’annonce. Mais avec l’arrivée du Capitaine Traoré et sa volonté de placer la jeunesse au cœur du développement du pays, je me suis ravisé », confie-t-il. Pour lui, plus question de chercher ailleurs ce que son pays s’engage désormais à offrir.
Contribuer à l’autosuffisance alimentaire du Burkina Faso
Abdourahim Tiraongo décide donc de rester au pays, où il bénéficie d’une bourse pour poursuivre des études d’ingénierie dans une université privée de Ouagadougou, après avoir obtenu sa licence avec d’excellents résultats dans un institut de Koudougou. Mais, comme dira l’autre, chassez le naturel, il revient au galop !
En effet, après le témoignage du Capitaine Ibrahim Traoré, notamment sur le fait que des Burkinabè se nourrissaient de feuilles pour survivre, il prend la ferme résolution d’abandonner ses études d’ingéniorat pour se consacrer à la terre de sorte à tenter le challenge de l’autosuffisance alimentaire.
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Sa décision surprend et choque ses amis étudiants. Tous tentent de le décourager, espérant le ramener sur le chemin des études supérieures. Mais Abdourahim Tiraongo garde le cap, les yeux rivés sur son objectif : contribuer à l’autosuffisance alimentaire de son pays tout en revalorisant le métier d’agriculteur et d’éleveur.
« Venir ici, faire de la production agricole, c’est une grande opportunité et une immense joie. C’est ce que je souhaitais, et c’est ce qui se réalise. Je remercie Dieu et l’initiateur de tout cela, le Capitaine Ibrahim Traoré », confie-t-il, avec une sincérité touchante.
Avec ses camarades, Abdourahim cultive également du riz. Riz et gombo occupent une superficie totale de 4 hectares, soit 2 hectares pour chaque culture. Ils estiment pouvoir récolter 5 tonnes à l’hectare. « Nous sommes satisfaits de notre travail », dit-il, le sourire aux lèvres, le regard plein de fierté.
Naaba Sanem, 1er Vice-Président de la délégation spéciale de la commune de Korsimoro et chef de Foulla, ne cache pas son admiration pour le parcours d’Abdourahim Tiraongo. Selon lui, il y a quelques années, voir un jeune diplômé revenir à la terre relevait de l’utopie. Aujourd’hui, avec la dynamique impulsée par les autorités, cette réalité est non seulement possible, mais elle est porteuse d’espoir pour toute la jeunesse.
« Parmi eux, il y a des maîtrisards. Je connais même un qui a son master. À l’époque, dire qu’un jeune avec un master allait cultiver du riz ou du gombo semblait irréaliste », confie-t-il. À l’égard d’Abdourahim, Naaba Sanem ne manque jamais d’encouragements : « Chaque fois que je le vois, je l’encourage », ajoute-t-il avec fierté.
Issaka Sawadogo, VDP agricole de la commune de Korsimoro et titulaire du niveau Terminale, décrit Abdourahim Tiraongo comme un jeune homme aux idées d’une personne expérimentée.
« C’est un camarade que j’apprécie énormément. Depuis que je l’ai rencontré au centre de Badnogo, il ne m’a jamais dit un mot qui m’ait déplu. On se conseille mutuellement. Il n’a pas fait ses études pour rien. C’est un jeune, mais il a l’esprit et la maturité d’une vieille personne », témoigne-t-il avec admiration.
À travers le parcours d’Abdourahim Tiraongo, c’est toute une jeunesse burkinabè qui se révèle : audacieuse, déterminée et prête à relever les défis de l’autosuffisance alimentaire.
Entre choix courageux, esprit d’entrepreneuriat et engagement envers la terre, ces jeunes VDP agricoles montrent que l’avenir du Burkina Faso ne se construit pas seulement dans les salles de classe, mais aussi et surtout dans les champs, là où se cultivent l’espoir, la résilience et la fierté d’un peuple. Abdourahim et ses camarades incarnent ainsi la promesse d’un Burkina qui nourrit ses rêves tout en nourrissant la nation.
Tambi Serge Pacôme ZONGO
Burkina 24