CAMEROUN :: Douala : Menaces sur les Commerçants. La Loi Sanctionne-t-elle la « Ville Morte » ? :: CAMEROON
La crise post-électorale camerounaise prend une tournure inattendue et tendue dans la capitale économique. La récente déclaration du Maire de Douala, exigeant la réouverture immédiate des boutiques sous peine de fermeture définitive et de retrait des attributions, soulève de graves questions sur la légalité d’une telle injonction et sur la pression exercée par les autorités du RDPC face au mot d’ordre de « villes mortes » lancé par l’opposant Issa Tchiroma, qui conteste les résultats de la présidentielle du 12 octobre.
L’autorité municipale a été claire, menaçant de sanctions fermes les commerçants qui n’auraient pas repris leurs activités. Une telle mesure, si elle est appliquée, transformerait un acte de protestation politique non violent en une infraction commerciale punissable. L’enjeu est double : il s’agit de dissuader toute adhésion massive à l’appel de l’opposition, perçu comme une menace directe à la stabilité post-électorale, et de garantir le maintien d’une activité économique normale à Douala.
Le Cadre Légal : Qu’est-ce qui Sanctionne l’Inactivité Commerciale ?
La question centrale qui agite les acteurs économiques et les juristes est de savoir s’il existe une base légale au Cameroun permettant à un Maire d’ordonner la fermeture et le retrait d’une attribution pour simple non-ouverture. Il est crucial de noter que la législation camerounaise ne prévoit pas explicitement de sanction pénale pour un commerçant qui décide de ne pas ouvrir sa boutique un jour donné, sauf cas spécifiques.
Cependant, le pouvoir de police du Maire et le Code Pénal offrent des leviers que les autorités pourraient utiliser. La Loi de 2015 régissant l’activité commerciale au Cameroun impose des obligations aux commerçants, et certaines situations, comme la non-exécution d’une injonction légitime de l’autorité publique ou l’incitation à la rébellion (Code Pénal, article 157), pourraient être utilisées pour justifier des mesures coercitives. De plus, les Maires possèdent des prérogatives pour assurer l’ordre public et la salubrité. La fermeture d’établissement est une peine accessoire prévue par le Code Pénal de 2016, généralement liée à des infractions graves (fraude, insalubrité, non-respect de l’urbanisme) et non à un arrêt d’activité d’une journée.
L’interprétation et l’application d’une loi sur l’occupation du domaine public ou la police municipale pourraient être invoquées pour justifier le retrait des autorisations d’exercice, surtout si l’inactivité est perçue comme un trouble à l’ordre public ou une adhésion à un mouvement d’incitation à la résistance. Néanmoins, retirer définitivement une attribution commerciale pour une fermeture d’un ou deux jours est une mesure radicale dont la légalité directe serait contestable devant les tribunaux administratifs. L’objectif des autorités est ici clairement politique : désamorcer le mouvement avant qu’il ne prenne de l’ampleur.
La Réaction Politique face à l’Opposition
L’appel à la désobéissance civile par Issa Tchiroma, suite à sa défaite controversée, a mis les autorités du RDPC, le parti au pouvoir, dans une position de grande vigilance. La peur de voir les principaux centres urbains paralysés, comme cela a pu se produire lors de précédentes périodes de contestation dans d’autres pays africains, conduit à une réaction ferme et rapide, illustrée par l’ultimatum du Maire de Douala.
Cette pression sur les acteurs économiques démontre la volonté du pouvoir de contrôler le récit et de montrer une façade de normalité. En menaçant directement les moyens de subsistance des commerçants, les autorités cherchent à créer une peur économique qui l’emporterait sur la sympathie politique. Ce bras de fer met en lumière l’intrication profonde entre le droit commercial et les impératifs de l’ordre politique au Cameroun. L’avenir de cette confrontation dépendra de la résolution des commerçants à maintenir la fermeture face aux sanctions promises et de la capacité de l’opposition à soutenir légalement les citoyens affectés par ces mesures.
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