Par Karim B. – Il est des mots qui puent le sang, des phrases qui charrient l’écho des bûchers et des charniers. Quand un ancien ministre d’une République française à la dérive, Pierre Lellouche, s’autorise à dire, sans trembler, qu’il «attend de voir ce que la République est capable de faire face à l’islamisation de la France», il ne s’agit plus d’une maladresse, mais bien d’un appel au meurtre symbolique, sinon réel. Car l’homme va jusqu’à évoquer, avec une complaisance morbide, le temps où «on attachait les curés et les nonnes nues pour les jeter dans la Loire», comme si ce souvenir de barbarie pouvait servir de modèle à l’action politique contemporaine. Voilà donc la République rêvée par Lellouche : une machine d’extermination, purificatrice et sanguinaire.
Sous la rhétorique pseudo-historique, se cache le fantasme brûlant d’une France débarrassée de ses musulmans, comme on aurait jadis voulu la «purifier» de son clergé. C’est une obsession vieille comme les croisades inversées de l’extrême-droite laïcarde, qui rêve de transformer la laïcité en arme d’exclusion, confondre l’égalité républicaine avec la chasse au voile, ériger la haine en devoir civique.
Ce discours ne surgit pas du néant. Pierre Lellouche, nostalgique des massacres du 17 octobre 1961, n’en est pas à son premier dérapage. Il avait déjà, en d’autres temps, fustigé «la complaisance des élites envers l’islam», et dénoncé «les dangers d’un communautarisme musulman». Mais aujourd’hui, il franchit une ligne rouge. Ce ne sont plus des inquiétudes, mais une fascination pour la violence d’Etat, pour le bain de sang fondateur. On ne parle plus d’idées, mais de purification.
Quand Pierre Lellouche rêve d’Inquisition républicaine, il brandit l’histoire comme un gourdin et le mot «islam» comme un talisman de peur. Mais qu’il sache une chose : les musulmans de France ne seront pas les curés de sa Loire imaginaire, car ils ne se laisseront plus jeter dans la Seine.
K. B.