Il travaille avec acharnement à la popularisation du reggae à travers le monde. Pendant une période, des critiques le décrivent comme un sérieux rival de Bob Marley décrié dans son propre pays par des puristes qui voient en sa démarche artistique un travestissement de la culture rasta. Pour Cliff, ce problème ne se pose pas : contrairement à la plupart de ses compatriotes qui adoptent les thèses du « rastafarisme », Jimmy Cliff est d’abord chrétien en raison de son éducation. Il fait quelque temps l’expérience de l’islam après sa conversion au Sénégal en prenant comme nouveau nom : El Hadj Naïm Bachir. « J’ai grandi dans l’Eglise et j’ai toujours remis en question ce qu’on me disait. Les valeurs chrétiennes étaient importantes à la maison. La propreté. Ne pas voler. Ne pas mentir. C’étaient les règles et elles étaient appliquées à la lettre. Surtout le vol et le mensonge. Si on enfreignait les règles, on était battus. J’enfreignais souvent les règles. » L’enfant battu rêve tôt de devenir acteur jusqu’à ce qu’il découvre qu’il sait chanter.
Il quitte l’école à treize ans et apprend des chansons rock ‘n’ roll de Fats Domino, Little Richard, Bobby Day ou Dee Clark. Il comprend rapidement que sa carrière ne peut décoller qu’en gagnant la capitale Kingston, laissant derrière lui de douloureux souvenirs d’enfance à Saint James dans le comté de Cornwall au nord-ouest du pays. Il rencontre Count Boysie (pas Basie) et enregistrent ensemble des pièces ska, « Daisy Got Me Crazy » et « I’m Sorry ». En 1961, il fait écouter quelques chansons dont « Dearest Beverley » au producteur Leslie Kong, un Jamaïcain né à Shanghai. Le disque est édité chez Island Records en Angleterre. La collaboration se poursuit avec Leslie Kong avec les singles « King of Kings » et le tube « Miss Jamaica ».
Succès brésilien
Au milieu des années 1960, Jimmy Cliff pose ses valises à Londres où il fait la connaissance du fondateur du label Island Records Chris Blackwell. Avec ce dernier, le futur El Haj Naïm Bachir se met au rock visage pâle. Il tourne beaucoup avec un groupe dans lequel évolue Ian Hunter, leader plus tard de Mott The Hoople. Pour Island, Cliff enregistre la reprise de « Whiter Shade Of Pale » de Procol Harum. En 1968, Jimmy Cliff part au Brésil représenter la Jamaïque au concours international de la chanson qu’il remporte avec « Waterfall ». Cela lui vaut un succès énorme en Amérique du Sud. « Il signe alors chez A&M et écrit le reggae ‘’Wonderful World, Beautiful People’’ qui triomphe en Angleterre en 1969. Son premier album, réalisé par Leslie Kong, contient le morceau ‘’Vietnam’’, qui fait grande impression sur Bob Dylan et à Paul Simon. On y trouve aussi la ballade ‘’Many Rivers To Cross ’’, repris plus tard par Joe Cocker. En 1970 il reprend ‘’Wild World ’’ de Cat Stevens. »
En 1972, le retour de Cliff s’appelle « The Harder They Come », titre d’une chanson et du film réalisé par Perry Henzell dans lequel joue le chanteur. D’autres pépites jalonnent le parcours du reggae man : son album « The Power and the Glory » sort en 1983 avec comme titre locomotive « Reggae Night » coproduit par La Toya Jackson, sœur de MJ. Deux années plus tard, « Hot Shot » fait chavirer les pistes de danse. Succès tiré de l’opus « Cliff Hanger » et clin d’œil assassin à la navette spatiale Challenger. « I Can See Clearly Now » parait en 1992, reprise d’une chanson de Johnny Nash. Ce morceau sert de bande-son pour « Rasta Rockett » (1993), film sur l’histoire d’une famille jamaïcaine qui a participé aux Jeux olympiques de bobsleigh d’hiver en 1988. Mais quel est le secret de ce fast reggae chez Jimmy Cliff ? « Quand je vivais au Royaume-Uni, j’enregistrais beaucoup de ska et de rocksteady, des styles de musique jamaïcaine. Mais le public ne les appréciait pas. Alors, j’ai commencé à utiliser un rythme reggae plus rapide. » Et flamboyant comme les couleurs de ses tenues.