La Chine face au potentiel minier africain : entre productivisme et bonnes pratiques environnementales et sociales
Les Conférences des parties sur le climat, depuis la conférence fondatrice de Paris (la COP21), qui avaient pourtant suscité de grands espoirs, se suivent et se ressemblent.
On assiste au mieux à un statu quo ou à des engagements qui sont rarement suivis de changements conséquents dans les comportements des acteurs de terrain majeurs, à savoir les grands États et les multinationales dont les activités sont les principales sources de pollution de la planète.
La COP 30, qui a baissé ses rideaux le 22 novembre 2025 à Belém au Brésil, n’a pas dérogé à la règle. S’agissant par exemple de la transition hors des énergies fossiles en vue de la promotion d’une économie plus verte, cette conférence ne fixe aucun cap clair, encore moins une feuille de route contraignante pour les parties. Par ailleurs, un autre enjeu majeur de cette COP 30, et non des moindres, demeure les financements que réclament les pays en développement, notamment ceux d’Afrique subsaharienne qui sont en quête de financements colossaux pour réussir leur transition énergétique, et ce d’autant plus qu’ils subissent plus que le reste de la planète les effets délétères de la dégradation de l’environnement et doivent répondre à une demande sociale en progression exponentielle, au regard de leur croissance démographique vertigineuse.
Une position très scrutée
Des 200 États qui ont participé à cette COP30, la position chinoise est particulièrement scrutée. Pour soutenir ses industries, sa croissance économique, la Chine s’est tournée depuis plus de trois décennies vers l’Afrique. Si elle dispose incontestablement d’un important potentiel minier, il n’en demeure pas moins que l’Empire du Milieu doit se pourvoir en matières premières hors de ses frontières pour satisfaire également sa demande intérieure. En Afrique, la Chine consacre ainsi 50 % de ses investissements directs étrangers (IDE) à trois pays : le Nigeria, le Soudan et l’Afrique du Sud.
Pollution de l’environnement
Cependant, ces investissements chinois massifs dans le secteur minier en Afrique ont des conséquences négatives considérables sur l’environnement, la santé des populations et des travailleurs. Si les codes miniers ont été réformés dans la plupart des États africains où la Chine investit, il faut cependant déplorer qu’ils font rarement l’objet d’une application scrupuleuse. Les minerais exploités par les entreprises chinoises sont connus pour leur importante capacité de pollution, de destruction rapide de la biodiversité et des écosystèmes. Il s’agit notamment de la bauxite, des pierres précieuses extraites des cours d’eau, du manganèse, du fer et des hydrocarbures. Au Cameroun, au Ghana, en République démocratique du Congo, l’industrie minière chinoise contribue gravement au déboisement des forêts et a un impact carbone considérable.
En RDC, selon projetafriquechine.com, les activités de la filiale chinoise Congo Dongfang Mining (CDM) ont été suspendues par les autorités en raison de la pollution de l’eau à Lubumbashi. Le ministère des Mines congolais a noté qu’« un débordement d’effluents industriels provenant d’un bassin de rejet aurait touché plusieurs quartiers environnants, suscitant de vives inquiétudes quant à la sécurité des populations et à la protection de l’environnement… Le bassin de rejet de la société CDM ne répond à aucun standard international : absence de dispositifs de contrôle, de stabilité et d’étanchéité, inexistence d’un plan d’urgence en cas d’incident. Autant de défaillances ayant conduit à une pollution manifeste des eaux, à la mortalité piscicole et à la contamination de l’environnement immédiat. »
Autre exemple, en Zambie, environ cinquante fermiers ont intenté un procès contre l’entreprise chinoise Sino-Metals Leach (SML), selon le site Internet africanews.com. Ce procès fait suite, écrit le média, « à un important déversement de déchets toxiques miniers en février dernier dans le nord du pays ».
Le Tchad, de son côté, a porté plainte en 2014 contre le géant pétrolier chinois CNPC pour pollutions répétées dans la région du Mayo-Kebbi (sud-ouest), selon des informations rapportées par agenceecofin.com.
L’entreprise s’est engagée à payer 400 millions de dollars de réparation.
En Afrique de l’Ouest, cette exploitation anarchique du potentiel minier africain a détruit de nombreux milieux naturels de vie, contraignant certaines populations à la migration, les éloignant des écosystèmes dans lesquels elles vivent parfois depuis des centaines d’années.
Non-respect des droits sociaux
Mais, en plus des conséquences néfastes sur l’environnement, les travailleurs africains souffrent également du peu de cas que font ces exploitations minières de leurs droits sociaux ou pour la préservation de leur santé. Nombre de ceux-ci travaillent sur ces sites miniers sans protection contre la toxicité des produits miniers ; ils n’ont guère de protection sociale ni de couverture de santé et parfois exercent sans contrat de travail, au mépris des législations locales du travail, des conventions collectives ou des traités internationaux auxquels la Chine est pourtant partie prenante, tout comme les pays africains hôtes de ses entreprises.
Et c’est par ailleurs là où le bât blesse, avec ces entreprises chinoises qui exploitent les mines en Afrique. Autant la Chine est présente dans les grands rendez-vous internationaux sur le climat et se montre prompte à signer les traités là où l’Amérique de Trump a opté pour la politique de la chaise vide, autant, sur le terrain, les investisseurs chinois les foulent allègrement aux pieds et préfèrent soudoyer les autorités de contrôle dans des pays où l’État de droit est quasiment absent ou du fait de la corruption de certains de ses agents.
Toutefois, dans les sociétés civiles africaines, un sursaut se fait jour pour dénoncer les libertés que prennent ces entreprises avec le droit environnemental local ou le droit du travail. Quelquefois, il s’agit de mouvements de révolte qui ne sont maîtrisés qu’avec la force coercitive du pouvoir central.
Dans son ouvrage paru en 2006 aux éditions L’Harmattan, intitulé Chine-Afrique : le dragon et l’autruche, l’essayiste sénégalais Adama Gaye tenait ce propos anticipateur sur l’avenir de la relation entre le dragon chinois et l’autruche africaine : « Il importe que cette liaison ne se fasse pas sur le dos des peuples et des pays africains. La trop forte inclination de la Chine à surévaluer les priorités liées à la souveraineté des États par opposition aux attentes justifiées des peuples africains pour plus de libertés publiques et une démocratie véritable comporte le risque de voir la coopération sino-africaine, centrée sur les États, conforter les comportements « voyous » de beaucoup d’entre eux. » (p 286)
Sources : Le chinois CNPC va payer au Tchad un dédommagement de 400 millions $ pour retrouver ses permis.
Zambie : plainte pour pollution contre une entreprise minière chinoise | Africanews.
R.D.Congo : Le gouvernement congolais suspend les activités du chinois Dongfang Mining pour pollution.
Éric Topona