Par Mohamed K. – Le représentant permanent du Maroc à l’ONU, Omar Hilale, s’est lancé dans un exercice délicat, en voulant rattraper un geste devenu encombrant. Après avoir tenté de masquer l’emblème algérien lors d’un point de presse à New York, ce qui est une grave violation des usages diplomatiques, l’ambassadeur marocain assure désormais avoir «tout le respect pour le drapeau algérien». Une déclaration qui sonne davantage comme un rattrapage express que comme une conviction sincère.
C’est que l’affaire du drapeau profané n’est pas un simple incident de protocole. Elle a mis en lumière la crispation palpable de la diplomatie marocaine lorsqu’elle se trouve confrontée aux symboles d’un voisin qui enregistre victoire sur victoire sur le plan international. Le geste d’Omar Hilale, capté et diffusé en boucle, a offert une image embarrassante d’un diplomate pris au dépourvu, oscillant entre maladresse et irritation.
Et ce n’est pas sa récente intervention médiatique qui aura dissipé ce malaise. Interrogé sur la résolution 2797 du 31 octobre dernier, Omar Hilale a livré un plaidoyer qui peine à convaincre, même dans les cercles traditionnellement acquis à la thèse officielle marocaine. En affirmant que cette résolution «élimine» l’option du référendum d’autodétermination et «consacre le plan d’autonomie comme unique solution», il conforte surtout ceux qui y voient la démonstration d’une volonté d’imposer une lecture univoque d’un texte onusien qui, en réalité, rappelle toujours le statut non résolu et colonial de la présence marocaine au Sahara Occidental.
Les arguments tortueux avancés par Omar Hilale n’ont fait que renforcer l’impression d’un régime diplomatiquement acculé. Depuis l’adoption de la résolution, Rabat apparaît sur la défensive, tentant d’habiller ses difficultés en victoire stratégique. Mais le contraste est saisissant. Plus le Maroc affirme avoir tourné définitivement la page du référendum, plus la dimension de décolonisation du dossier revient au centre des discussions internationales.
Dès lors, une question s’impose : Omar Hilale exprime-t-il un regret sincère face à son geste à l’ONU ou cherche-t-il à éteindre un incendie allumé malgré lui ? Certains analystes n’excluent pas qu’il ait été rappelé à l’ordre. Dans les couloirs diplomatiques, on murmure que Rabat n’a guère apprécié que cet incident s’ajoute à une séquence déjà compliquée, où la stratégie marocaine perd de plus en plus de sa cohérence.
D’autres y voient le symptôme d’un malaise plus profond, à savoir une réorientation subreptice du vacillant Makhzen depuis les accords d’Abraham. En choisissant une normalisation accélérée avec Israël, Rabat a bouleversé les équilibres régionaux et aggravé ses tensions avec Alger. Le royaume pensait y gagner un soutien plus affirmé sur le dossier sahraoui, mais il récolte une crispation accrue et une exposition médiatique peu favorable.
Pour autant, du côté algérien, cette tentative d’apaisement hypocrite ne suscite guère d’enthousiasme. L’Algérie, habituée à ces manœuvres et à cette duplicité de la diplomatie marocaine, n’accorde aucun crédit à cette nouvelle main tendue opportuniste. Cette sortie intervient après d’autres signaux tout aussi insincères, dont les appels répétitifs au dialogue lancés par le roi du Maroc dans ses discours annuels, qui sont des gestes de façade sans traduction concrète. Dans ce contexte de méfiance enracinée, la sortie d’Omar Hilale traduit moins un début de détente qu’un épisode supplémentaire dans la tartuferie marocaine.
M. K.