Ouvrant la session devant les députés réunis au Palais des Congrès, Cavaye Yeguié Djibril a planté le décor d’un contexte politique chargé. Il a rappelé que ces travaux interviennent « au lendemain d’une échéance capitale pour le Cameroun », marquée par le scrutin présidentiel du 12 octobre, lequel, malgré « quelques actes isolés de violence », s’est « globalement déroulé dans le calme sur l’ensemble du territoire national ». Il a également salué, au nom des députés, la réélection du président de la République, tout en réaffirmant le rôle du Parlement comme expression du pluralisme politique instauré depuis les lois sur les libertés promulguées en 1990.
Deux points dominent l’ordre du jour : la prestation de serment du président de la République, conformément à l’article 140 du Code électoral – cérémonie qui doit intervenir dans les quinze jours suivant la proclamation des résultats – et l’examen du projet de loi de finances pour l’exercice 2026. Ce budget, a indiqué le président de l’Assemblée nationale, « sera le tout premier du septennat des Grandes Espérances », nom donné au programme annoncé par le chef de l’État pour son nouveau mandat.
Un budget sous contraintes et ambitions
Selon la circulaire présidentielle adressée au gouvernement, le budget 2026 doit refléter les priorités du nouvel exécutif et s’inscrire dans la poursuite du processus de transformation structurelle de l’économie camerounaise. Il s’agit, selon le document, d’accélérer la mise en œuvre du Programme d’Impulsion Initiale (P2I) et du Plan Intégré d’Import-Substitution Agropastoral et Halieutique (PIISAH). Ces deux cadres d’action visent à réduire la dépendance du pays aux importations, en favorisant la production locale dans les filières agricoles, halieutiques et industrielles.
Le texte prescrit également la promotion de l’industrie pharmaceutique nationale, notamment par l’encouragement des investissements et la facilitation de l’accès des entreprises locales à la commande publique. Sur le plan énergétique, le gouvernement est invité à finaliser la mise en service du barrage de Nachtigal, à lancer la construction du barrage hydroélectrique de Kikot et à renforcer les capacités de distribution d’électricité afin de répondre aux besoins des ménages et des entreprises. Ces mesures visent à stabiliser l’offre d’énergie, élément central de la compétitivité industrielle.
La circulaire évoque aussi le développement des énergies renouvelables – solaire, éolienne et biomasse – pour diversifier le mix énergétique, ainsi que la poursuite des projets d’adduction d’eau potable et de logements sociaux, particulièrement dans les zones rurales et périurbaines. L’accent est mis sur le rétablissement de l’équilibre financier du secteur de l’électricité, notamment par le rachat des parts d’ACTIS dans la société ENEO, principal opérateur de distribution.
Soutien à la production nationale et relance territoriale
L’exécutif prévoit également de renforcer l’accompagnement des entreprises dans les filières prioritaires définies par la Stratégie Nationale de Développement (SND30), par un appui technique et financier. Les investissements dans les infrastructures routières, ferroviaires et portuaires doivent, selon la circulaire, favoriser le désenclavement des bassins de production et faciliter la circulation des biens sur le marché intérieur.
Un accent particulier est mis sur le patriotisme économique, c’est-à-dire l’orientation prioritaire de la commande publique vers les produits et services locaux. L’objectif est de soutenir la production nationale et de stimuler la demande intérieure.
Sur le plan territorial, le gouvernement devra poursuivre la reconstruction des régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l’Extrême-Nord, affectées par les crises sécuritaires. Ces efforts devront combiner la réhabilitation des infrastructures économiques et sociales, la relance de l’activité et le retour durable des populations déplacées.
Nouvelles orientations fiscales et douanières
Sur le plan fiscal, la circulaire fixe les orientations de la politique budgétaire interne et de la fiscalité de porte. À l’intérieur, l’action publique doit renforcer la confiance entre l’administration et les contribuables. Les priorités incluent le renforcement des droits fiscaux des citoyens, la simplification des déclarations, la réforme de la fiscalité locale et l’harmonisation de la législation nationale avec les directives communautaires de la CEMAC. Une attention particulière est accordée à la fiscalité environnementale, instrument de financement des politiques climatiques nationales et de respect des engagements internationaux.
En matière douanière, l’État entend poursuivre la rationalisation des procédures aux frontières et la transposition des instruments économiques de la CEMAC et de la CEEAC. L’objectif est de faciliter les échanges, d’améliorer la compétitivité du commerce extérieur et de lutter contre les flux financiers illicites. Les mesures prévues incluent la vulgarisation des régimes douaniers économiques, la réduction des délais de passage des marchandises et la promotion du statut d’opérateur économique agréé, dispositif permettant aux entreprises certifiées de bénéficier de procédures douanières simplifiées.
Vers une économie numérique régulée
Enfin, la circulaire présidentielle mentionne la poursuite du développement de l’économie numérique, à travers le renforcement des infrastructures de télécommunications et la régulation des activités liées aux cryptomonnaies. Le texte prévoit l’élaboration d’un cadre légal pour encadrer l’usage des actifs numériques et prévenir les risques de fraude ou de blanchiment.
L’ensemble de ces orientations devra guider la préparation du projet de loi de finances 2026, soumis à l’examen des députés au cours des prochaines semaines. Pour le président de l’Assemblée nationale, il s’agira d’un budget « réaliste et conforme aux orientations du Chef de l’État », marquant le lancement du nouveau septennat dans un contexte de consolidation économique et de recomposition politique.