Par Kahina Bencheikh El-Hocine – Le rôle de la guerre cognitive dans la culture et dans la société, la dictature des algorithmes, le système de défense et comment l’Algérie doit se défendre par rapport à la guerre médiatique dirigée contre elle, autant de points abordés lors de la conférence organisée à la Safex, en marge du Salon international du livre, et animée par le Dr Ahmed Bensaada.
Sous le thème «La culture et la guerre cognitive», Bensaada, en empruntant la définition de la culture par l’Unesco, a affirmé que «toucher à la culture d’un pays, c’est toucher à sa cohésion car elle favorise son unité», attestant que les guerres cognitives, les guerres médiatiques et les guerres de 4e génération touchent en particulier des concepts reliés à la culture.
«L’Etat doit investir dans la sécurité culturelle car cette dernière est la protection de l’identité culturelle d’une nation ou d’un groupe face à une influence étrangère», a -t-il préconisé, tout en expliquant que toute action contre notre culture est une menace directe contre la cohésion sociale et, en l’absence d’outils nécessaires pour contrer l’influence étrangère qui est omniprésente sur les médias sociaux, l’individu risque d’être «phagocyté par l’extérieur».
L’essence même de la culture est d’assurer la cohésion sociale en valorisant les repères culturels communs. Et dans le cas précis de l’Algérie, l’identité culturelle est très instrumentalisée par nos ennemis, selon l’orateur, lequel a recensé tous les dangers cognitifs qui guettent le pays, à savoir l’identité et ses corollaires, l’histoire et la fierté nationale, l’intégrité et la souveraineté, les disparités Nord-Sud, les droit de l’Homme, la démocratie, l’extrémisme religieux, ainsi que la liberté religieuse. Autant de points instrumentalisés qui visent le même objectif, celui de briser la cohésion sociale de l’Algérie et s’ingérer dans les affaires internes du pays.
Citant des publications de l’Otan, Bensaada rapporte que la guerre cognitive est l’armement de l’opinion publique par une entité externe, dont le but est d’influencer la politique publique et gouvernementale, et déstabiliser les institutions publiques d’un pays.
«Quand on parle de guerre cognitive, on parle d’une guerre où il n’y a ni arme ni avion. C’est une guerre qui s’attaque au cerveau et impose une manière de penser qui n’est pas la nôtre.» «La guerre cognitive positionne l’esprit comme un espace de combat. Son objectif est de semer la dissonance et des récits contradictoires, de polariser l’opinion ou de radicaliser les groupes. Elle peut inciter les gens à agir de manière qui peut perturber ou fragmenter une société autrement cohésive», d’après les publications de l’Otan.
«Les effets recherchés de la guerre cognitive ne se limitent pas au contrôle de l’information, comme il est connu dans la guerre de 4e génération. La guerre cognitive s’adresse non seulement à ce que pensent les individus, mais cherche également à induire dans le cerveau une façon de penser, et c’est là où réside la différence entre la guerre cognitive et la guerre de 4e génération», indique le Dr Bensaada, pour lequel «si on attaque la manière de penser, le but est atteint».
Le Dr Bensaada a informé l’assistance sur les biais cognitifs qui nuisent à la pensée rationnelle et qui représentent des erreurs reposant sur la structure du cerveau, et s’opposent à une logique d’exploration systématique. Plus de deux cents biais cognitifs existent, selon le conférencier, qui en a cité quelques-uns, tels que le biais de simple exposition, le biais de confirmation, le biais d’effet de mode et le biais de négativité, en indiquant les situations qui y sont favorables : la surcharge d’information, l’urgence et l’absence de sens.
Que doit faire l’Algérie pour contrer une telle guerre ? Le Dr Bensaada préconise l’identification des problèmes pour pouvoir y apporter des solutions. «Nous devons connaître nos problèmes et y apporter des solutions ; à la rigueur, des narratifs pour répondre à notre population. Il exhorte les intellectuels et les historiens à se pencher sérieusement sur cette question. «Pour chacun des dangers cognitifs, nous devons avoir une réponse», a-t-il insisté.
Pour ce qui est de la stratégie à mettre en œuvre pour se protéger d’une guerre cognitive, l’orateur a mentionné certaines, qui sont proposées et utilisées par l’Otan, à savoir se prémunir contre ses propres certitudes, connaître nos biais cognitifs pour pouvoir réagir, se défendre des agressions informationnelles permanentes et éviter l’exploitation opportuniste par un adversaire de nos biais cognitifs.
Pour lui, il ne faut pas être toujours sur la «défensive», mais il faut aussi adopter une attitude «offensive», parce que dans la guerre cognitive, l’attaque est meilleure que la défense. Il revient sur un principe fondamental, celui de l’introduction de cours dans les médias pour les jeunes.
«La culture constitue une ressource essentielle pour renforcer l’identité et la cohésion nationale. La guerre cognitive suscite actuellement un intérêt croissant de la part de toutes les grandes puissances du monde, dans le but de perturber et de fragmenter la cohésion d’une société», a-t-il conclu.
K. B.-H.