La fistule obstétricale est toute communication anormale entre le vagin et le rectum qui permet le passage des contenus d’une structure vers l’autre. Selon des recherches du Programme des Nations Unies pour la population (UNFPA), au Niger, 750 nouveaux cas de fistule obstétricale sont enregistrés par an. Ainsi, la prise en charge de ces femmes victimes de cette pathologie est nécessaire pour leur meilleure survie.
Après avoir donné la vie, certaines femmes souffrent de la fistule obstétricale. C’est une lésion liée à un accouchement anormal ou difficile. D’après les explications du médecin-chirurgien au Centre National de Référence de la Fistule Obstétricale (CNRFO) de Niamey, Dr Idrissa Abdoulaye, la fistule est généralement causée par plusieurs jours de travail sans intervention médicale appropriée, ou une blessure pendant l’accouchement. Elle peut être causée également par un cancer, une radiothérapie ou des complications chirurgicales. « Pour répondre aux besoins de la présence de la fistule obstétricale, le centre national de référence de la fistule obstétricale (CNRFO) a été créé en 2008 et a ouvert ses portes en 2013. Au Niger, la fistule est beaucoup plus fréquente en zone rurale où les centres de santé intégré sont rares », indique le médecin. La maladie est en effet surtout présente chez les jeunes filles victimes de mariage précoce, un phénomène qui continue malheureusement comme l’illustrent les cas des adolescentes souffrant de la fistule obstétricale.
Dr Idrissa Abdoulaye a mentionné que, dans ce centre, les cas sont plus liés à un accouchement difficile ou parfois qui n’a pas été pris en charge adéquatement. « Soit la patiente n’a pas reçu une prise en charge adaptée à son cas, soit la patiente n’a pas eu accès au de santé intégré à temps », a-t-il notifié.
Par ailleurs, le médecin-chirurgien au CNRFO a précisé qu’il existe d’autres cas de fistule certes moins fréquents au Niger, mais qui ne sont pas à négliger . « Il s’agit de la fistule iatrogène due à une brèche qui survient suite à une opération ratée, involontaire du chirurgien ; la fistule congénitale où la patiente naît avec et la fistule traumatique due à un accident de la circulation routière, à une chute d’un arbre ou une chute de n’importe quelle hauteur dont le choc peut provoquer une communication entre le système urinaire, génital ou digestif », a-t-il souligné.
Selon Dr Idrissa Abdoulaye, la fistule est considérée comme une pathologie honteuse. « Les victimes sont en cachette, elles ne veulent pas que les autres apprennent leur maladie. Nous avons l’habitude d’enregistrer des femmes qui viennent toutes seules suite à des messages, sensibilisations ou des reportages entendus à la radio, suivis à la télévision ou lus dans les journaux », explique le médecin. Après le traitement, affirme toujours Dr Idrissa Abdoulaye, au moins 65% guérissent. « C’est à dire qu’elles n’ont plus de fuite, elles font leurs besoins naturellement. 20% des malades, après l’opération continuent de perdre des urines malgré que la communication (trou) est fermée, il y a le reste des cas qui ne peuvent pas guérir complètement, ce sont des patientes dont la fistule persiste même après l’opération. Ce n’est pas une fatalité : il y a des cas qu’on opère plusieurs fois avant qu’ils ne guérissent », a-t-il déclaré.
Ainsi, pour éliminer la fistule obstétricale il faut nécessairement prendre en charge les cas existants et prévenir la survenue des nouveaux cas. « Pour répondre aux besoins de ce centre, l’Etat du Niger affecte un budget annuel. A côté de l’Etat, le leader mondial de la lutte contre la fistule qu’est l’UNFPA, apporte toute son aide à ces femmes à travers des kits médicaux, la construction des bâtiments neufs pour le bon fonctionnement du centre. Nous recevons également des appuis venant des organisations non gouvernementales (ONG), des structures, des associations musulmanes ou chrétiennes ; des bonnes volontés qui répondent aux besoins du centre », a conclu Dr Idrissa Abdoulaye.
Témoignages
Souvent marginalisées, humiliées, maltraitées, abandonnées ou même répudiées, les histoires tristement touchantes de ces femmes qui ont vu leur vie basculer donnent des larmes aux yeux. Halimatou, une jeune mariée, âgée de 19 ans, victime de la fistule, raconte comment elle a eu cette pathologie. “C’était mon premier travail d’accouchement, il a été long et difficile. Après mon accouchement j’ai commencé à perdre des urines, les sages femmes de ma localité m’ont transférée à Téra. Sur place, j’ai passé des jours, cela ne s’est pas arrêté. De là, on m’a transférée, cette fois ci à Niamey, dans ce centre national de référence de la fistule obstétricale. Depuis mon arrivée, j’ai été bien accueillie, bien traitée par les médecins ; je viens d’être opérée tout récemment par Dr Idrissa Abdoulaye. Depuis lors, je vois des améliorations, donc Dieu merci, je remercie tous le personnel de ce centre. Au début de ma maladie, j’ai été victime de marginalisation venant de mon entourage, d’autres se moquaient de moi, d’autres disent venir me rendre visite, mais à la fin, c’est pour aller faire des commérages», a t-elle dit.
Hamsata est une femme âgée, qui a accompagné sa belle fille. « Après avoir accouché d’un mort né, ma belle fille a commencé à perdre des urines, nous avons fait des va et vient dans les centres de santé de notre localité, mais finalement ils nous ont transférées dans ce centre de Niamey. Nous sommes là, depuis quatre (4) semaines, les médecins ont prescrit des médicaments à ma belle fille pour le traitement de l’anémie d’abord puis après ils l’ont opérée. Après cette opération, ils ont retiré le tuyau il y a une semaine de cela et, jusqu’à présent, il n’y a aucun problème. Par conséquent, j’appelle vraiment la société d’arrêter de maltraiter ces pauvres dames et filles qui font pitié », a-t-elle raconté, toute triste.
Un autre témoignage vient d’une jeune mariée appelée Roumana, patiente de la fistule. « Je me sens très bien dans ce centre, j’appelle les femmes enceintes à respecter les rendez-vous des consultations prénatales jusqu’à leur accouchement. C’était ma 1ère grossesse, les contractions ont duré trois (3) jours. Le travail d’accouchement devenait difficile. Il a fallu deux (2) jours encore pour que les sages femmes arrivent à retirer le bébé de mon ventre hélas, mort. Après, je n’arrivais pas à uriner, même quand j’avais le besoin pressant. Vue cette complication, les sages femmes m’ont transférée à Tillaberi et de là j’ai été référée à Niamey. Ici, j’ai reçu des soins nécessaires et un accueil chaleureux », a -t-elle témoigné.
Âgée de 38 ans, mère de 4 enfants, comme la majorité des victimes de la fistule, Nafissa a aussi eu un travail suivi d’accouchement très difficile. Victime de maltraitance, la patiente raconte son calvaire : « Je viens de la localité de Dancthandou. Après l’accouchement de mon bébé, je perdais des urines, les sages femmes m’ont placé ce tuyau d’urine et m’ont dit d’aller revenir après trois (3) semaines. Quand je suis revenue, ils ont retiré le tuyau et malheureusement les urines persistent. C’est là qu’on m’a transférée à Niamey dans ce centre. J’ai bénéficié de l’opération et, pour le moment, je ne vois aucune complication. Quand tu es atteinte de cette pathologie, tout de suite la population te fait voir de toutes les couleurs. Dieu merci, ce personnel ne soigne pas seulement, il nous aide moralement, on nous apprend des activités génératrices de revenus comme le tricotage, la fabrication des savons liquides, la confection des sacs à main, entre autres. On se soutient également entre nous patientes, qu’Allah bénisse le personnel de ce centre », a-t-elle confié.
Halimatou M Harouna (stagiaire)