
Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a gracié 6 500 détenus à l’occasion de la fête nationale célébrée le 5 juillet 2025. Si beaucoup s’en réjouissent, tel n’est pas le cas de l’écrivain franco-algérien, Boualem Sansal dont le nom ne figure pas sur la liste des bénéficiaires. On se rappelle que l’homme avait été condamné à 5 ans de prison en première instance, peine confirmée en appel le 1er juillet 2025. Et s’il avait décidé de ne pas aller en cassation, c’est certainement parce qu’il nourrissait le secret espoir de bénéficier de la mansuétude du président Tebboune. C’est donc une véritable douche froide pour l’écrivain de 80 ans souffrant d’un cancer de la prostate. Qu’est-ce qui s’est donc passé pour que Boualem Sansal ne bénéficie pas de la magnanimité du président algérien en dépit de son état de santé fragile et de son âge avancé?
La France gagnerait à adopter une attitude plus diplomatique et plus conciliante
L’homme a-t-il été victime de l’activisme débordant de la France ? La question reste posée. En fait, on ne le sait que trop bien. L’affaire Boualem Sansal a mis toute la France en branle au point que des divergences de vues ont apparu au sein de la classe politique. Or, pour qui connaît le président algérien, gracier Boualem dans ces conditions, reviendrait à se laisser dicter sa conduite par l’Elysée. Tout porte à croire, en effet, que si la France avait fait preuve de discrétion et de diplomatie, on n’en serait peut-être pas là. Et tout laisse croire que si Boualem Sansal continue de broyer du noir en Algérie, c’est à cause du boucan de la France. En attendant de voir l’évolution de l’affaire, on peut affirmer qu’au stade actuel en tout cas, c’est échec et mat pour le président Emmanuel Macron et son ministre des Affaires étrangères, Jean Noël Barro, qui ont laissé croire aux Français qu’ils travaillaient discrètement et avec efficacité pour obtenir la libération de Boualem Sansal. Cela dit, l’écrivain franco-algérien va-t-il boire le calice jusqu’à la lie ? Autrement dit, va-t-il purger sa peine de cinq ans à la prison de Koléa ? On attend de voir. Mais une chose est certaine. Tant que la France ne changera pas son fusil d’épaule, Boualem Sansal court des risques de continuer de croupir dans les geôles algériennes. Pire, tout agissement contraire à la volonté d’Alger, ne ferait que réduire ses chances de bénéficier d’une libération anticipée. C’est dire si la France gagnerait à adopter une attitude plus diplomatique, plus conciliante et plus discrète. Car, il ne faut pas se voiler la face, l’enjeu de l’affaire Boualem, est plus politico- diplomatique que judiciaire. Autant dire que seule comptera la voie diplomatique. En tout cas, si la France souhaite sortir Boualem des griffes de l’appareil judiciaire algérien dans un court délai, il n’y a pas d’autres solutions. Elle doit faire du dialogue son arme et de la diplomatie, sa boussole. Car, en réalité, Boualem, à bien des égards, est une victime expiratoire de la brouille diplomatique entre Alger et Paris, suite à la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental par le président français, en juillet dernier.
Tout espoir de voir l’octogénaire sortir de prison, n’est pas perdu
On pourrait même affirmer, sans risque de se tromper, que Boualem Sansal paie plus pour les relations exécrables entre Alger et Paris, que pour les propos qu’il a tenus. Son malheur, c’est sa double nationalité qui permet à l’Hexagone de voler à son secours dans un pays où la Justice semble inféodée au pouvoir. Pour autant, tout espoir de voir l’octogénaire sortir de prison, n’est pas perdu. En effet, il est prévu une période de grâce de prisonniers en fin d’année. Mais encore faudrait-il que le président algérien se montre humaniste et que la France, de son côté, accepte de jouer le jeu. On croise donc les doigts. En tout cas, tout le mal qu’on puisse souhaiter au vieil homme, c’est qu’il tienne le coup malgré sa santé chancelante. En tout état de cause, Alger et Paris n’ont pas intérêt à laisser perdurer cette crise diplomatique. Ce d’autant que les conséquences pourraient être dramatiques pour l’une comme pour l’autre. En tout cas, cette brouille diplomatique n’a que trop duré. Il est temps d’y mettre un terme afin de reconstruire des relations plus saines, moins conflictuelles et plus respectueuses de la souveraineté des deux Etats.
« Le Pays »